En avril 2020, en plein milieu de la première période de confinement à laquelle nous avons été confrontés, j’avais réalisé une vidéo décrivant le principe de fonctionnement du kernel-nuller. Notre équipe avait lancé le partenariat industriel qui devait nous mener à la livraison imminente d’un prototype…
La crise sanitaire de 2020 a affecté le calendrier de développement de notre prototype: l’étude industrielle pourtant terminée, les usines de fabrication se sont temporairement arrêtées. En pratique les retards se sont accumulés et le prototype, qu’on espérait pouvoir intégrer à notre laboratoire courant 2020 s’est fait attendre.
Mais en ce début d’année 2021, ça y est: notre composant nous a enfin été livré! C’est avec beaucoup de soulagement que je peux enfin poster ici, une première image de ce à quoi ce fameux prototype ressemble, en réalité et comment il se compare à ce qui était spécifié:
Nous avons en réalité fait fabriquer quatre copies de ce composant: deux de ces composants nous ont été livrés nus à la toute fin de l’année 2020 et c’est la photographie de l’un d’eux que vous venez de voir. Les deux autres ont pris un peu plus de temps pour nous être livrés: ils ont été soudés à des borniers électroniques, qui vont nous permettre de contrôler les parties actives du composant en appliquant des tensions. Ce sont ces deux composants “soudés” qui vont faire l’objet du travail d’intégration dans le cadre du projet KERNEL.
En plus des guides d’onde gravés dans le substrat et qui sont représentés par les tracés en rouge sur le schéma de principe, et dans lesquels on va venir coupler la lumière en provenance de plusieurs télescopes, certaines régions du composant peuvent être chauffées par des petites résistances déposées sur la surface du substrat. La tension électrique nécessaire au passage du courant dans les résistances est appliquée via les électrodes représentées par les pistes en jaune sur le même schéma de principe. Le composant étant tellement petit et délicat, nous avons du sous-traiter la soudure et la conception de cartes d’interface.
En appliquant des tensions aux bornes de ces connections électriques, on peut chauffer localement le substrat constituant le composant (verre SiN, optimisé pour une utilisation dans la bande H) et moduler la phase du champ électrique de la lumière se propageant dans les guides d’onde (globalement de la gauche vers la droite). Cette propriété du kernel-nuller offre un nombre important de possibilités: un élément de chauffage à l’entrée peut se substituer à une ligne à retard optique avec un temps de réponse de l’ordre de la milli-seconde . Un élément de chauffage situé entre les fonctions réalisant les interférences peut permettre de compenser des imperfections du design ou des dérives optiques induites par des fluctuations de l’environnement thermique.
Cette technologie thermo-active, fréquemment mise en œuvre dans le cadre des télécommunications n’a jamais été exploitée dans un contexte astro: si on arrive à le mener sur le ciel, le kernel-nuller pourrait être le premier exemple d’une famille de calculateurs électro-optique à lumière stellaire 😉
Maintenant, nous avons du pain sur la planche: notre banc de test KERNEL est en train d’être upgradé pour permettre l’intégration du composant avec le reste des éléments (contrôle actif du front d’onde et moyens de caractérisation). Si les avantages théoriques de l’architecture kernel-nuller se confirment, il nous faudra envisager une démonstration technique sur le ciel! Ce travail est principalement mené par Nick Cvetojevic (employé du projet ERC KERNEL) et Peter Chingaipe (doctorant UCA bénéficiant d’une bourse 80-PRIME du CNRS).